"Suspect" de Robert Crais ou la planète des chiens

Suspect de Robert Crais … Ou la planète des chiens

« Des textes qui vous prennent au corps » : c’est le cas de Suspect et son héroïne de chienne.

Suspect est un thriller atypique dans le genre, exceptionnel au regard de tout ce que Crais a écrit précédemment. Le livre est paru en 2014, je l’ai découvert récemment. Tel un chien devant un os enrobé de chair fraîche, j’ai rongé ma joie en le lisant, les sens à l’affût de l’existence canine.

Car si l’intrigue se déroule dans l’univers de l’US Marine et des rebelles Afghans, des policiers et des truands de L.A., c’est plutôt sur la planète des chiens que nous transporte Crais cette fois. Avec Maggie, en chef de meute de tous les personnages.

« Elle avait été dressée à garder et à protéger ce qui lui appartenait. Pete lui appartenait. Pete faisait partie de sa meute. (…) La meute était sa vie. »

Pas un poil de commun avec le chienchien à mémère gavé de croquettes pour dormir sur son gras et écouter des fadaises : «On lui avait appris à reconnaître les onze explosifs les plus utilisés par les rebelles. (…) Tous ces composants auraient pu la tuer, (…) ce n’était pas un problème. Ce qu’il fallait, c’était chercher ces odeurs, pour Pete : ça lui faisait plaisir, ce qui était l’essentiel. Si Pete était content, Maggie aussi. A deux, ils formaient une meute, et Pete était son chef. Après, il lancerait la balle verte. (…) C’était son jeu préféré. »

Mais il faut savoir leur causer, parole d’instructeur : « Merde, ces chiens, ce ne sont pas des machines. Ce sont des êtres vivants ! Des créatures de Dieu qui ressentent les choses (…) Quand elles aiment, c’est de tout leur cœur. (…) Ces chiens, ce sont les meilleurs coéquipiers, les plus dévoués que vous puissiez souhaiter. Ils se sacrifieront pour vous. Et tout ce qu’ils demandent (…) tout ce que ça vous coûte, à VOUS, c’est un mot gentil. Un seul. Bordel de Dieu, donnez-moi les dix meilleurs hommes qui soient, ils ne valent pas le plus bête de mes chiens. » (…) Mais « Putain, mettez-y du cœur, quand vous donnez un ordre ! Elle vous aime, elle vous protège, mais c’est vous qui commandez. »

Ainsi aboie Dominick Leland sur l’officier Scott James, brisé d’avoir vu sa coéquipière abattue sous ses yeux, au cours d’un sordide braquage. Mis à la niche chez les maîtres-chiens, ce n’est pas un hasard, s’il choisit Maggie comme nouvelle partenaire. Maggie, qui sursaute à la moindre pétarade depuis qu’elle a échoué à sauver Pete. Victimes du stress lié au syndrome post-traumatique, l’homme et la chienne doivent d’abord vaincre le mal qui les mine, avant de reprendre véritablement du service. La force et l’originalité du récit tiennent au fait que dans ce combat à reconstruire la meute, la chienne mène la danse. Hommes et femmes deviennent des personnages accessoires. Le lecteur, n’a qu’une envie, suivre Maggie à la trace.

Plus que la victoire des « bons » contre les « méchants », c’est d’abord le triomphe de la solidarité entre ces deux « créatures » qu’on attend. On a la truffe humide aux dernières phrases. Pris d’un accès de délire identificatoire, on rêve de former une meute à son tour.

Oui, la puissance de Suspect, m’a prise au corps. Au point de me pousser à l’action. De rejoindre à mon tour une meute. Et de me retrouver à éduquer un chiot pour une cause humanitaire !

Comment passer de la fascination littéraire à l’esclavage d’un quotidien, régi par un jeune velu de couleur sable, fiché « orateur-décideur » ? C’est cet effroyable décalage entre réalité et fiction que je vous invite à suivre prochainement.

Comments

[lise]

Voilà, je cours chez le libraire....